Afin de combler son déficit budgétaire, le gouvernement de Moeketsi Majoro a décidé d’augmenter drastiquement les taxes sur l’alcool et le tabac. Une mesure qui ne fait pas que des heureux.
Lors de la présentation de la loi de finances 2020, le Parlement du Lesotho avait introduit une taxe sur l’alcool et le tabac. Les deux produits devraient désormais être taxés respectivement à hauteur de 15 et 30 %. Une décision extrême dans le royaume qui fait office de brasserie pour l’Afrique du Sud.
Oui mais voilà, les revenus de l’alcool et du tabac ne suffisaient pas à combler le déficit dans les recettes de l’Etat. Pour la troisième année consécutive, l’administration fiscale du Lesotho n’a pas atteint ses objectifs de recettes fiscales. Le Parlement a donc décidé de taxer le secteur des brasseries pour un bénéfice immédiat qui lui permettrait de payer à temps les salaires des employés de l’Etat. Une somme qui s’élèverait à 300 millions de dollars.
Cette décision déplait aux quelques oligarques qui détiennent le monopole des industries du tabac et de l’alcool dans le petit royaume largement dépendant de l’Afrique du Sud. Le représentant de la brasserie belgo-brésilienne, Anheuser-Busch AB InBev (ABI), le lobbyiste botswanais Sesupo Wagamang, a multiplié les interviews dans la presse locale pour dénoncer ce qu’il considère être une décision injuste.
Vers une baisse des recettes ?
« D’autres pays africains qui ont emprunté cette voie ont prouvé que des prélèvements plus élevés entraînent une baisse des recettes », a déclaré Wagamang, évoquant le cas de son propre pays, le Botswana.
Présentant son discours sur le budget au parlement le mois dernier, le ministre des Finances du Lesotho, Sophonea, a déclaré que le gouvernement espérait réaliser des revenus supplémentaires grâce aux taxes. Outre l’alcool et le tabac, le gouvernement a également décidé de l’augmentation de la TVA pour le secteur des télécommunications, de trois points.
L’année dernière, la Commission parlementaire de l’économie et du développement a exprimé des réserves quant à l’adoption du projet de loi en question après avoir subi des pressions de la part des différentes parties qui s’y opposaient.
« Avec l’imposition d’une taxe sur l’alcool et le tabac, des pertes massives de ventes (…) et une augmentation de 8 % de la taxe d’accise pour 2021 affectent gravement la rentabilité de l’industrie », avait déclaré Sesupo Wagamang.
Des conséquences pour la zone SACU
InBev regrette cette taxe qui représente un frein dans sa lutte pour le monopole en Afrique australe, que la brasserie partage avec le néerlandais Heineken. Les deux géants se retrouvent régulièrement devant les tribunaux : en 2019, ils ont intenté des actions en justice dans 16 pays africains, pour des frais de justice dépassant les 700 millions de dollars.
Le petit Lesotho était, avant cette décision, le pays avec la taxation la plus basse en Afrique australe sur l’alcool, avec seulement 2,7 % de taxes cumulées sur la bière à l’import et l’export. Une somme qui représentait une hausse de 0,02 dollar par hectolitre et un gain colossal pour les multinationales de la bière installées dans le pays.
La nouvelle taxe fait craindre le pire : le Botswana avait introduit une augmentation de cette taxe de 25 % sur l’alcool en 2015, ce qui avait entrainé une grosse baisse de la demande. Cinq usines avaient dû fermer.
Une augmentation des taxes au Lesotho aura des conséquences hors des frontières du petit pays : le prix de la bière augmentera dans les cinq pays de l’Union douanière de l’Afrique australe (SACU). Au-delà de la SACU, cela devrait également avoir des répercussions sur le prix de l’alcool dans les pays du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA).