En légalisant le cannabis thérapeutique, le Maroc s’ouvre de nouvelles opportunités économiques. Une décision qui provoque aussi des débats politiques et sociétaux.
Plus de 700 tonnes de cannabis par an. Voilà ce que produit le Maroc, selon l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée. Bilan financier : plus de 23 milliards de dollars, soit environ 20 % du Produit intérieur brut (PIB) marocain. Le problème, c’est que ces chiffres, aussi impressionnants soient-ils, entrent dans le cadre du secteur informel. Si le cannabis venait à devenir légal, cela permettrait de développer un business qui rapporte gros.
Alors, la décision des Nations unies de reconnaître, le 3 décembre dernier, l’utilité thérapeutique du cannabis a donné quelques idées au royaume chérifien. Le Maroc vient de voter un projet de loi qui vise à encadrer la production de cannabis thérapeutique. De quoi imaginer de nouvelles sources de revenus et d’emplois.
Il faut dire que le cannabis fait déjà, bien qu’il soit prohibé, vivre des familles entières notamment dans la région du Rif. Mais l’illégalité de la production fait prospérer un peu plus des réseaux informels. Dans le Rif, la sécurité de la région est désormais placée entre les mains des trafiquants.
Un manque à gagner évident pour le Maroc. Sans taxes ni impôts, le cannabis circule, et est exporté au-delà des frontières sans droits de douane. La production de cannabis médical provoquer donc forcément un développement économique qui sera profitable aux familles des régions concernées qui, en termes d’emploi et de revenus directs, ne touchent que 4% du chiffre d’affaires généré par la production illégale de la plante. Ce pourcentage pourrait atteindre 12 % si ce business était encadré, à en croire les experts en économie.
Développer la production de cette substance, même simplement à destination de la médecine, c’est ainsi contribuer à l’évolution du pays sur les plans économique, social mais aussi sanitaire. C’est d’ailleurs ce qui a poussé le Parlement marocain à voter en faveur de la nouvelle légalisation sur cannabis thérapeutique, d’abord à travers la création d’une agence nationale pour l’exécution de la stratégie, de la culture à la commercialisation.
De ce fait, en développant une filière industrielle dédiée, le Maroc pourrait non seulement générer de nouveaux emplois, mais aussi affirmer un positionnement nouveau dans le cadre de la lutte contre certaines maladies, à l’instar de la sclérose en plaques, l’épilepsie, la maladie de Parkinson et mêmes certains cancers en phase terminale.
Le Royaume semble déterminé à faire reconnaître ses efforts puis à renforcer la coopération nationale et internationale. Le marché du cannabis est en pleine croissance — 30 % à l’échelle internationale et 60 % pour l’Europe —, mais tout reste encore à faire.
Quoi qu’il en soit, les discussions autour du nouveau texte ont provoqué quelques remous au sein de la population locale mais aussi de la classe politique. L’ancien chef du gouvernement marocain Abdel-Ilah Benkiran a notamment gelé son adhésion au Parti pour la justice et le développement (PJD) pour manifester son désaccord avec les autres membres de sa formation. Les producteurs sont aussi, pour certains, en désaccord. En cause, la teneur en THC, substance psychoactive caractéristique de la plante, qui devra désormais être contrôlée et de facto réduite.