Selon nos informations, deux usines algériennes produiront le vaccin russe Spoutnik V dès le mois de mai. Un projet de poids pour Alger, qui compte offrir des doses à ses partenaires africains.
Fin janvier, des experts russes s’étaient rendus en Algérie. Il était alors question de préparer le futur lancement de la fabrication du vaccin Spoutnik V sur le sol algérien. Alger désirait prendre un peu d’avance dans ce qu’on appelle la « diplomatie du vaccin » en Afrique. Alors que les doses des grands laboratoires occidentaux avaient déjà été réservées, l’Afrique s’était petit à petit tournée vers la Russie, la Chine et l’Inde. Dans le cadre de l’initiative Covax, des vaccins AstraZeneca venus de la firme pharmaceutique indienne Bharat Biotech ont été livrés sur le sol continental ces dernières semaines. Mais la suspension de ce vaccin dans plusieurs pays laisse présager un désintérêt des pays africains pour l’AstraZeneca, en s’appuyant sur le principe de précaution.
9 millions d’euros pour l’achat de 500 000 doses
Une aubaine pour la Chine et pour la Russie. Moscou a noué des liens avec Alger, et les autorités des deux pays se sont mises d’accord pour éventuellement lancer la fabrication du vaccin Spoutnik V dans le pays du Maghreb. Fin janvier, l’ambassadeur russe à Alger, Igor Beliaev, annonçait que « des spécialistes russes se rendront en Algérie pour visiter des usines pharmaceutiques ». Il affirmait que la fabrication du vaccin russe en Algérie prendrait « de six à neuf mois ». Un mois plus tôt, le ministère algérien des Finances, Abdelaziz Fayed, avait annoncé une enveloppe de plus de 9 million d’euros pour l’achat de 500 000 doses du vaccin russe.
Mais la fabrication des doses sur place serait un plus pour l’Algérie. D’un point de vue sanitaire tout d’abord, pour pouvoir vacciner sa population. Mais diplomatiquement, surtout, ce serait un coup énorme pour Alger : plusieurs pays africains ont demandé aux laboratoires d’accepter de les laisser produire des doses, notamment en Afrique du Sud, mais sans succès. A la peine en Afrique ces dernières années, la route notamment barrée par un Maroc entreprenant, l’Algérie pourrait avoir, avec le vaccin anti-Covid-19, une arme redoutable pour discuter avec les différents gouvernements africains. Et selon nos informations, l’accord trouvé entre la Russie et l’Algérie est en train de se concrétiser.
Deux usines à Constantine et El Harrouch
Kamel Sanhadji, nommé président de l’Agence nationale de la sécurité sanitaire en juin dernier, est très actif en coulisse. Le professeur souhaiterait installer non pas un mais deux laboratoires : le premier au sein de l’université de Constantine, l’autre à El Harrouch, dans la wilaya de Skikda. Une source proche du dossier explique qu’une joint-venture entre le Fonds d’investissement direct russe (RDIF), chargé de commercialiser le vaccin à l’étranger, et une société pharmaceutique algérienne a été créée. La production du Spoutnik V devrait débuter au mois de mai prochain. Une première en Afrique, qui place évidemment l’Algérie en bonne position sur un continent qui a trouvé dans le vaccin russe une alternative intéressante aux laboratoires occidentaux.
Selon un cadre du ministère algérien de la Santé, la stratégie doit permettre à Alger de développer sa diplomatie sur tout le continent. « Ces deux usines de production permettront de vacciner tous les Algériens, mais des doses seront également offertes à la Tunisie et à plusieurs pays africains », explique cette source anonyme. A la traîne dans la diplomatie politique, encore plus depuis que le Maroc a obtenu la reconnaissance de sa souveraineté sur le Sahara occidental par Washington, Alger tente de se relancer. Avec des partenariats économiques, mais aussi dans le secteur de la santé. « L’Algérie produit 25 % du marché africain en médicaments, ce qui rend légitime l’intérêt des russes pour ce pays dans le cadre de la production de vaccins », résume un spécialiste de la médecine.