Au Bénin, Reckya Madougou accuse le pouvoir d’avoir fabriqué de fausses conversations téléphoniques pour l’accuser de terrorisme. Et ce avec l’aide des services de renseignement sud-africains et israéliens.
Les services de renseignement sud-africains et israéliens sont-ils impliqués dans les arrestations d’opposants au Bénin ? C’est en tout cas l’accusation portée par Reckya Madougou, du parti Les Démocrates, arrêtée par la police béninoise et accusée de terrorisme.
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— Reckya MADOUGOU (@MadougouReckya) March 9, 2021
Celle qui espérait se présenter à la prochaine présidentielle béninoise contre Patrice Talon affirme en effet que le régime « a fait appel appel à des experts israéliens et sud-africains pour cloner (sa) voix et (lui) faire endosser des audios avec des contenus à charge ». Selon elle, « de fausses conversations » entre elle et un ministre serviraient de preuves à charge.
L’omniprésence des entreprises israéliennes d’espionnage en Afrique
Une accusation forte. Et qui s’appuie sur une réalité : de nombreuses entreprises israéliennes dominent le marché des écoutes téléphoniques en Afrique subsaharienne. Le Bénin, selon Reckya Madougou, n’y échapperait pas. Parmi les groupes les plus connus, NSO est bel et bien présent en Afrique, notamment au Kenya et en Côte d’Ivoire. D’autres sociétés privées de l’Etat hébreu œuvrent également sur le reste du continent, de Mer Group présent au Congo, en Guinée ou au Nigeria, en passant par Elbit Systems, qui collabore avec les Angolais et les Sud-Africains.
La collaboration entre Israël et les pays africains n’est pas nouvelle. Même si l’Etat hébreu a mis du temps à relancer sa diplomatie à destination de l’Afrique subsaharienne, les services de renseignement extérieur israéliens, le Mossad, ont continué à vendre leurs services à nombre Etats qui, officiellement, condamnaient la politique israélienne envers les Palestiniens.
Au Bénin, l’Israélien qui fait le lien entre Tel-Aviv et Cotonou est d’ailleurs clairement identifié. Il s’agit de Didier Sabag. Le Franco-Israélien dirige la société Sapna Ltd. Son terrain de prédilection : la Guinée-Bissau, la République centrafricaine et, donc, le Bénin. Né au Maroc, l’homme d’affaires prospère également dans le royaume chérifien. Son rôle est simple : mettre en contact des opérateurs de Herzliya, la ville israélienne qui regroupe les sociétés privées d’espionnage, avec les régimes africains.
Des intermédiaires triés sur le volet
Pour s’implanter sur le continent, Israël mise donc sur des intermédiaires issus du monde des affaires, mais également sur d’anciens diplomates, comme Gérard Araud, ancien ambassadeur de France aux Etats-Unis et en Israël. L’espionnage israélien prospère donc en Afrique à une vitesse impressionnante. Et Reckya Madougou sait de quoi elle parle : la Béninoise a été conseillère spéciale du président togolais, accusé par les ONG d’avoir contracté des contrats avec des entreprises israéliennes d’espionnage, en particulier avec NSO qui a développé le logiciel espion Pegasus.
En surface, ces échanges entre Israël et les pays africains sont légaux. Tout d’abord parce que les entreprises implantées à Tel-Aviv soumettent leurs logiciels à l’attribution d’une licence des autorités de l’Etat hébreu, qui les autorise ensuite à exporter leurs programmes. Mais derrière la volonté affichée des dirigeants africains de lutter contre le terrorisme, ces logiciels espions sont bien trop souvent utilisés à des fins politiques.