La Libye est une véritable poudrière, prête à s’enflammer. La plupart des puissances mondiales y ont des intérêts économiques, sécuritaires ou politiques. Et si l’Union africaine était la seule partie du débat à vouloir une paix durable en Libye ?
Malgré l’enthousiasme des Etats-Unis à leur égard, le Premier ministre libyen Abdelhamid Debeibah et le président du Parlement Aguila Salah Issa ont leurs agendas personnels et ceux de leurs partenaires à respecter. La paix relative qu’ils ont réussi à maintenir depuis quelques semaines est très fragile et dépendra de la volonté certaines puissances au détriment des autres.
A moins qu’un consensus ne soit trouvé par la France, l’Italie, l’Allemagne, les Etats-Unis, la Turquie, la Chine, la Russie, les pays du Golfe et les instances internationales, la Libye sera toujours menacée d’embrasement.
Avec autant d’acteurs, qui ont tous des intérêts paradoxaux, il est devenu très difficile de maintenir la trêve. Une trêve qui sera encore plus fragile au fur et à mesure que l’on se rapproche des élections, prévues en décembre. A vrai dire, il est difficile voire impossible d’envisager que le calme perdure jusqu’à la fin de mars.
Et si le maintien de la paix passait par le dialogue ? Le comité de haut niveau de l’Union africaine (UA), présidé par le président congolais Denis Sassou N’Guesso, a privilégié les pourparlers.
La difficulté de trouver un consensus
De leur côté, les Nations unies sont en tout cas dans l’impasse. Depuis le départ de Ghassan Salamé, l’institution internationale a eu bien du mal à trouver un nouvel envoyé de l’ONU pour la Libye. Les Nations unies ont bien déployé une « équipe avancée » en Libye ces derniers jours. Objectif : observer que le cessez-le-feu soit respecté.
Côté politique, la tenue du vote de confiance du nouveau gouvernement d’Abdelhamid Dbeibah aura lieu à Syrte, à l’ouest. Pour rappel, le gouvernement d’unité nationale (GNA) actuel n’est pas reconnu à l’est, par le Parlement de Tobrouk.
Ensuite, outre l’adhésion nationale dont jouit Abdelhamid Dbeibah, et l’entente des Russes, Egyptiens, Turques et Français à son égard, tout nouveau gouvernement déplaira de facto aux autres parties internationales du conflit libyen.
Les Etats-Unis et de l’ONU, officieusement, mènent une intervention coûteuse diplomatiquement parlant. Ils voudraient sans doute voir les deux parlements d’Aguila Salah et de Tripoli s’accorder, afin que les deux navires pétroliers arrivé cette semaine puissent fournir les clients occidentaux sans accrocs. Derrière la diplomatie, les intérêts économiques sont réels.
L’Union Africaine, plus concrète
Le comité de l’UA, présidé par Denis Sassou N’Guesso, a été le dernier participant en date à rejoindre les pourparlers en Libye.
La proposition de l’UA est simple mais pourrait bien avoir un réel impact : inclure tous les acteurs libyens concernés serait en effet une avancée pour une paix durable en Libye. Or, parmi tous les pays et les organisations impliqués dans les discussions, tout le monde à l’exception de l’UA a omis d’intégrer aux discussions les « chefs des tribus et des villes », comme l’indique le président congolais.
L’actuel GNA de Fayez al-Sarraj, ou de Dbeibah dans quelques jours, ainsi que les forces de Khalifa Haftar ne sont pas les seuls concernés par le destin de leur pays.
Selon Denis Sassou N’Guesso, « une approche trop centrée sur les têtes d’affiche est vouée à l’échec ». Une analyse pertinente : le chef de l’Etat congolais sait qu’il faut trouver un équilibre des pouvoirs en Libye, où le Haut conseil des villes et tribus libyennes représente une majorité silencieuse. La Libye profitera-t-elle de l’expérience du chef d’Etat congolais, qui a su maintenir la paix dans son pays, qui fut longtemps déchiré par les guerres civiles. Sassou N’Guesso peut aussi se targuer d’un bilan positif à la tête de l’Union africaine en 2007.
Des sommets successifs de Berlin, d’Oyo et de Moscou à la rencontre internationale de Brazzaville, l’Union africaine a appelé de nombreuses fois de ses vœux à ne pas être marginalisée dans le débat libyen. Reste à voir si sa voix sera entendue par les autres organisations et puissances internationales.