Le Maroc et la Namibie ne font plus partie de la « liste grise » des paradis fiscaux. L’UE publie régulièrement des listes noire et grise des juridictions non coopératives en matière fiscale. Mais sur quelles bases ?
La Tunisie s’en souvient comme si c’était hier. En décembre 2017, les ministres des Finances de l’Union européenne décidaient d’inscrire la Tunisie sur la liste noire des juridictions non coopératives en matière fiscale. Autrement dit, le pays maghrébin était devenu, aux yeux de Bruxelles, un paradis fiscal. Deux mois plus tard, huit pays, parmi lesquels la Tunisie, sortaient de cette liste noire. Comment la Tunisie a-t-elle opéré ? Le pays a-t-il, en moins de soixante jours, réellement fait évoluer son système fiscal ?
C’est en réalité à coup de lobbying que la Tunisie a réussi à se défaire de son image de paradis fiscal. « Nous avons promis de travailler sur de nombreux points un peu techniques qui concernent la fiscalité. Il y aura des discussions avec nos partenaires européens à ce sujet », avait déclaré le secrétaire d’Etat tunisien chargé du Commerce extérieur, Hichem Ben Ahmed. Le retrait de la Tunisie de la fameuse liste noire serait donc simplement basé sur des « promesses ».
Une liste « unilatérale et discriminatoire »
Pour l’Organisation des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP), la liste noire est « unilatérale et discriminatoire » de la part de l’UE. Et les pays ont parfois du mal à comprendre comment ils se retrouvent dans ce classement. Des observateurs indiquent que la Tunisie y avait été placée pour une raison simple : l’Europe voulait faire pression sur le pays maghrébin pour qu’il signe l’Accord de libre échange complet et approfondi (Aleca). En septembre dernier, le Botswana déplorait sa présence sur la liste noire des paradis fiscaux, alors qu’un « plan de redressement était en cours », en accord avec le Groupe d’action financière (GAFI).
D’autres pays ont, ces derniers mois, négocié leur sortie du classement. C’est le cas de la Namibie et du Maroc, qui étaient, eux, sur la liste grise de l’Union européenne. Pour voir leurs noms être rayés de la liste, les deux pays ont pris des engagements. Autrement dit, le royaume chérifien et la Namibie ont accepté de « jouer franc-jeu en matière de fiscalité », résume l’UE.
Des risques de sanctions
En octobre dernier, les autorités marocaines pestaient : « Rien n’empêche que de nouvelles exigences apparaissent ces six prochains mois, indiquait l’économiste Najib Akesbi. Il y a vingt ans, le régime fiscal marocain convenait aux Européens qui voulaient délocaliser leurs industries. Maintenant qu’on parle de relocalisations, le discours change ».
D’autres pays, eux, refusent de se plier aux règles imposées par l’Union européenne. Les Seychelles, par exemple, ont, comme les autres pays de la liste noire, « refusé d’engager un dialogue avec l’UE ou de remédier aux manquements en matière de bonne gouvernance fiscale », indique un communiqué de l’institution.
Que risquent les pays qui n’adapteraient pas leurs régimes fiscaux aux normes européennes ? La pression est principalement financière : les fonds d’aide accordés par plusieurs programmes du Vieux-Continent, comme le Fonds européen pour le développement durable (FESD) ou le Fonds européen pour l’investissement stratégique (EFSI), ne peuvent plus l’être via l’intermédiaire d’entités implantées dans ces territoires. Une pression visiblement insuffisante, au regard des pays qui refusent de négocier avec l’UE.