Après avoir promis d’instaurer le mandat présidentiel unique au Bénin, Patrice Talon se présente à sa propre succession. Le chef de l’Etat vient d’écarter ses opposants.
Le pouvoir est-il si grisant, au point d’oublier en cinq ans tous ses engagements ? Au Bénin, Patrice Talon est en tout cas en passe de devenir l’un des présidents les plus autoritaires du continent africain, bien loin de ses promesses de 2016. A l’époque, alors qu’il venait d’être élu au second tour face à Lionel Zinsou, Talon faisait part à un journaliste de ses ambitions. « Je rêve que les Béninois me portent en triomphe dans cinq ans », affirmait-il. Et le programme était alléchant : « On m’a connu comme roi du coton. Aujourd’hui, je veux devenir celui qui a réussi à transformer son pays, politiquement, administrativement, économiquement », continuait-il. Le tout nouveau président élu voulait même inscrire dans la Constitution de son pays le mandat unique de cinq ans.
Cinq ans plus tard, Patrice Talon est toujours là. Candidat au deuxième mandat qu’il voulait interdire aux présidents en exercice. Et comme si cela ne suffisait pas, il vient d’écarter pas moins de huit de ses concurrents à la présidentielle. Pourtant, à l’époque, il suffisait d’écouter le président béninois pour se douter qu’il était capable du pire. S’il affirmait avoir « choisi le défi du mandat présidentiel unique », il admettait être « quelqu’un qui se métamorphose facilement ». Mission réussie : l’ancien roi du coton est devenu un président qui a réussi à museler l’opposition et qui semble parti pour une présidence à vie. Pour ce faire, le chef de l’Etat a, par l’intermédiaire de la Cour constitutionnelle, validé deux candidatures d’opposants qui ne bénéficient que d’une popularité minime.
Les élus de la majorité présidentielle mis sous pression
Pour expliquer l’élimination de toute opposition crédible, Patrice Talon pourra toujours se reposer sur la loi électorale. Pour se présenter, les candidats à la présidentielle doivent être parrainés par seize élus — députés ou maires —. Mais en coulisse, c’est un véritable travail de sape qui a été effectué. Tout d’abord, seuls six élus issus de partis d’opposition sont maires ou députés capable de parrainer des candidats. De plus, les quelques élus de la majorité présidentielle qui avaient accepté d’offrir leur parrainage à un opposant ont été priés de se raviser. Ce serait notamment le cas du député Ahmed Affo Tidjani.
Conséquence : huit candidats ont été éliminés par la Commission électorale. Certains à cause du manque de parrainages, d’autres parce qu’ils étaient en exil ou inéligibles. Parmi les recalés, la candidate du parti de l’ancien président Thomas Boni Yayi, Les Démocrates. Reckya Madougou, qui était également la conseillère du président togolais Faure Gnassingbé, estime être victime d’une « fraude au sommet de l’Etat ». Plusieurs membres de son parti ont été convoqués par les forces de l’ordre, accusés vouloir saboter le processus électoral. La candidate déchue avait déjà dû faire face à un autre problème : absente des listes électorales, l’ex-ministre de la Microfinance et de l’Emploi des jeunes et des femmes a dû saisir la Cour constitutionnelle pour pouvoir y figurer. Le 11 avril, elle ne pourra pas se présenter face à Patrice Talon… mais pourra au moins voter.