L’extraction et l’exploitation du pétrole au Gabon change régulièrement de mains. De nombreux groupes extractifs y ont investi entre 2002 et 2009. Alors que les études sismiques n’ont pas indiqué de réservoirs majeurs depuis 2012, les compagnies pétrolières fuient le pays une à une.
De Vienne à Libreville, la théorie de l’effet papillon s’est une nouvelle fois vérifiée. En pleine guerre des prix entre la Russie et l’Arabie saoudite, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) a réuni ses membres en Autriche avec un objectif : demander à la Russie de réduire la production mondiale de pétrole, dans le but d’enrayer la chute des cours du brut. Le 12 avril, les membres de l’OPEP, la Russie et les Etats-Unis, entre autres, avaient fini par trouver un accord, appelé OPEP++.
Si ce dernier a permis d’éviter le pire pour le secteur, il a aussi pris de court les compagnies pétrolières qui avaient investi récemment au Gabon. Au début de l’année 2020, le Franco-Britannique Perenco et le Britannique Assala Energy avaient tous les deux augmenté leurs efforts d’extraction, respectivement de 9 600 et de 4 000 barils.
Le groupe Perenco est allé plus loin même, en signant trois nouveaux contrats avec Libreville pour l’exploration et le partage de production de trois nouveaux blocs offshore. Une opération dont le montant avoisinait les 80 millions d’euros. A cela s’ajoutent les actifs de Total, que Perenco avait acquis en 2018.
Mais l’accord OPEP++ a eu des conséquences jusqu’au Gabon : le pays africain a en effet décidé de baisser sa production d’hydrocarbures de 23 %. Pourtant, de nouveaux contrats avait déjà été signés, et le pays a dû revoir sa fiscalité, déjà attractive, à la hausse, augmentant la part de l’Etat dans la Redevance minière Proportionnelle (RPM).
L’influence de la CEMAC et de l’OPEP
La décision du Gabon, bien que souveraine, a mis en danger l’investissement des compagnies pétrolières dans le pays. Il faut rappeler que le pétrole représente 53 % du PIB du Gabon. Une décision politique de cette envergure signifie aussi que la Gabon valorise avant tout ses relations avec l’OPEP (en particulier l’Arabie saoudite) que ses relations avec les compagnies pétrolières actives dans le pays.
Il faut d’ailleurs souligner que la participation des Etats africains dans les baisses de production décidées par l’OPEP est particulièrement élevée : 27 % pour la totalité les pays africains membres, et 23 % pour le seul Gabon. L’unique pays qui ne s’est pas engagé dans l’accord OPEP++ est l’Egypte.
Le Gabon prend des risques en prenant une telle décision : il risque de balayer les dernières embellies du PIB dues à la production pétrolière, qui risque de dégringoler, mais aussi de fragiliser l’accord sur le plan de relance signé avec le FMI en 2017. Ce dernier a déjà rapporté, l’air de rien, plus de 540 millions de dollars au Gabon.
De son côté, la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cémac) complique encore plus la tâche des compagnies pétrolières. Les prêts bancaires pour les projets pétroliers ont diminué de 43 % pour les compagnies installées au Gabon, pour l’ensemble de leurs projets dans la zone Cémac. Comme si la communauté économique tentait discrètement de mettre les compagnies partenaires avec les Etats africains en rivalité avec les supermajors. Or, dans le cas du Gabon, l’Etat y perd autant que les compagnies occidentales, là où l’extraction et l’exploitation pétrolières auraient pu permettre à l’économie, touchée par la crise sanitaire, de souffler.
Des investissements scandinaves
Depuis la montée des tensions entre le Gabon et les compagnies pétrolières, ces dernières tentent de fuir le pays le plus rapidement possible, pour minimiser les pertes. Après Shell en 2017, Total en 2018, Sinopec en 2019, c’est au tour des plus petites compagnies de liquider leurs atouts au Gabon.
La dernière en date est la société irlando-britannique Tullow Oil, qui vient de revendre tous ses contrats d’exploration et de production à un seul acheteur, Panoro Energy, pour 150 millions d’euros.
Il s’agit du troisième accord d’achat conclu entre des compagnies pétrolières scandinaves et britanniques en Afrique. Panoro, une compagnie norvégienne, a offert à Tullow 8 millions d’euros, en plus de la valeur brute de la transaction, afin d’éliminer toute concurrence.
Des opérations qui posent question, dans un contexte tendu pour les sociétés pétrolières qui, avec l’accord OPEP++, ne peuvent pour le moment gagner beaucoup en investissant au Gabon. Reste à savoir ce que cache l’accord Tullow Oil-Panoro Energy. L’entreprise britannique pourrait, selon plusieurs sources, avoir obtenu de la part de la Céma une assurance rentabilité. Malgré des fonds limités, Panoro a décidé d’investir sur le long terme. De nouvelles réserves pétrolières auraient-elles été découvertes dans le Golfe de Guinée ? C’est en tout cas l’une des options les plus plausibles.